George Müller (1805-1898), père des orphelins 

George arpentait la pièce. Dans sa colère, il devait faire attention de ne pas se cogner le pied à la table. Il était de mauvaise humeur et ça lui était bien égal que son entourage le remarque. « Je veux sortir et jouer au foot » se lamenta-t-il. Le père de George resta ferme. « Tu ne sortiras pas avant d’avoir terminé ta comptabilité. »

Son fils tapa du pied sur le sol. « C’est injuste ! » se plaignit-il, « aucun de mes amis ne doit noter comment il dépense son argent de poche. »

Monsieur Müller se fâcha sérieusement. « Assieds-toi et fais ce que je t’ai dit. Note comment tu as dépensé chacun de tes sous. Je reviens dans cinq minutes et tu me montreras ce que tu as écrit. » Monsieur Müller sortit de la pièce et ferma la porte derrière lui. D’un air maussade, George prit son cahier et écrivit qu’il avait utilisé son argent de poche de la semaine pour un crayon, une gomme et un cahier d’école. Le jeune garçon recula et sourit, satisfait. « Il ne saura jamais que j’ai perdu l’argent dans un pari. »

 

La porte s’ouvrit et Monsieur Müller entra dans la pièce. George tendit le cahier à son père. « Voilà c’est bien » le félicita-t-il. « Je suis content que tu n’aies pas gaspillé ton argent. Tu sais, » continua-t-il, « même si je suis un simple percepteur d’impôts du gouvernement prussien, j’ai déjà souvent vu comment des personnes haut placées jettent l’argent par la fenêtre ». « Est-ce que je peux y aller maintenant ? » demanda le garçon. Il ne voulait surtout plus écouter d’autres histoires du travail de son père et encore moins parler d’argent de poche.

 

« Je mangerais bien une sucrerie », pensa George le jour suivant, « mais je n’ai plus de sous. Tout mon argent de poche s’est envolé dans ce pari ! »

Son regard tomba alors sur le coffre où son père rangeait ses économies. La clé était restée dans la serrure. Il regarda autour de lui pour s’assurer que personne ne le voyait, ouvrit le coffre et prit un peu d’argent.

« Où pourrais-je le cacher ? » se demanda le garçon. Il eut une idée. Il ôta vite sa chaussure, y dissimula les sous et la remit juste au moment où son père entrait dans la pièce.

Monsieur Müller s’assit à son bureau, ouvrit le coffre et commença à compter l’argent. Sans faire de bruit, George se dirigea vers la porte.

« Viens ici ! », lui ordonna son père. Le garçon obéit. « As-tu pris quelque chose dans le coffre ? » George prit un air consterné. « Moi ? » répondit-il, « je ne l’ai jamais touché ! »

« Ôte ta veste », lui ordonna sévèrement Monsieur Müller. George l’ôta.

Son père fouilla les poches, mais ne trouva pas d’argent. Ensuite il fouilla George, mais ne trouva rien non plus.

« Et maintenant, enlève tes chaussures » exigea-t-il. George les enleva très, très précautionneusement.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Monsieur Müller en entendant du bruit dans la chaussure. Le garçon se baissa pour esquiver le coup de son père, mais il ne fut pas assez rapide.

« J’avais fait exprès de laisser la clé dans la serrure parce que soupçonnais que tu me volais de l’argent » reprit le percepteur d’impôts. « Je voulais te prendre la main dans le sac. Ne fais plus jamais cela ! C’est affreux quand un père ne peut plus faire confiance à son fils ! »

 

Au lieu de s’améliorer, George se mit à faire encore pire. Dès qu’il le put, il quitta la maison. Il fréquenta de mauvaises compagnies et à 16 ans, en 1821, il fut emprisonné pour fraude. Ses tentatives de s’en sortir échouaient inévitablement, et George s’enfonçait toujours plus. Puis un de ses amis devint chrétien. En proie au désespoir, George lui demanda s’il pouvait l’accompagner à une rencontre de chrétiens qui avait lieu dans la maison d’un certain Monsieur Wagner.

« Entrez seulement » invita Monsieur Wagner en ouvrant tout grand la porte pour laisser passer les jeunes hommes. « Bienvenue dans mon foyer et dans mon cœur. »

Connaissant bien la maison, l’ami de George le précéda. « Quelle salutation chaleureuse ! » pensa George en enlevant son manteau. Il se sentit rapidement à l’aise dans cette salle remplie d’hommes.

« Mais que va-t-il se passer maintenant ? » se demanda bientôt George.

Ils venaient de chanter un cantique, puis un homme s’agenouilla et pria. George n’avait encore jamais vécu quelque chose de semblable ! En Prusse, à cette époque, on ne lisait que des prières tirées d’un recueil de prières. Personne ne faisait de prière personnelle, et surtout pas en public ! Ce n’était tout simplement pas l’habitude !

Après avoir prié, l’homme se leva, lut dans la Bible et se mit à expliquer le texte. George n’en revenait pas ! Cet homme enfreignait la loi ! Les hommes n’avaient le droit de prêcher qu’à l’église ! George Müller était tellement impressionné qu’il ne perdit pas un mot de la prédication.

Pendant cette réunion, quelque chose changea dans le cœur de George. Il n’avait pas seulement rencontré des hommes et des femmes qui suivaient Jésus, mais Jésus Christ lui-même. Lorsque George quitta la maison de Monsieur Wagner tard ce soir-là, il avait demandé à Dieu le pardon de ses péchés.

« Je parie que je peux supporter plus que toi », le défia un ami quelques jours plus tard à l’occasion d’une beuverie. George observa le groupe d’étudiants. Tous buvaient et jouaient. Jusqu’à ce jour, il avait aussi fait partie du groupe. « Non » dit-il, « je ne joue pas. Je suis chrétien maintenant. » Les jeunes hommes le regardèrent perplexes. Puis l’un d’eux sourit : « Un chrétien ? Attends seulement ! Je parie que demain, on te voit de nouveau au bar. »

Ils se tournèrent et continuèrent à boire. George ne sortit plus jamais avec eux, ni ce soir-là, ni les suivants.

 

« Nous avons besoin de missionnaires », annonça un prédicateur un jour où George Müller était chez Monsieur Wagner. « Nous avons besoin de personnes qui parlent du Seigneur Jésus à d’autres. » George fixa l’homme. « Missionnaire » réfléchit-il, « peut-être que je devrais… ».

C’est ainsi que Dieu appela George Müller à être missionnaire. Il partit à Londres où il travailla pendant quelque temps parmi les Juifs. Et c’est en Angleterre qu’il rencontra une jeune femme qu’il épousa. Plus tard, les époux Müller et Henry Craik, un ami de George, s’établirent à Bristol pour y servir comme pasteurs. Mais peu après leur arrivée, la ville fut ravagée par le choléra et beaucoup de personnes moururent. Des centaines d’enfants restèrent orphelins, sans domicile et affamés. Touchés par leur misère, George et Henry ouvrirent un orphelinat.

 

Quelques années plus tard, ils se sentirent dirigés par Dieu à construire une maison en dehors de la ville, à Ashley Down. Puis, d’une manière miraculeuse, ils purent bâtir un deuxième, puis un troisième orphelinat ! Durant toutes ces années où les époux Müller et Craik travaillèrent ensemble, ils offrirent à plus de deux mille enfants un foyer, de la nourriture, des habits et une éducation scolaire. Ils ne demandèrent jamais de soutien financier. Ils apportaient tous leurs besoins à Dieu et reçurent d’incroyables réponses à leurs prières.

 

L’infirmière de la pouponnière vint un jour vers George Müller. « Je n’ai pas d’argent pour acheter du lait pour les bébés » lui expliqua-t-elle.

George sortit de son bureau le coffre où il rangeait l’argent et compta le contenu. Il manquait deux pence pour pouvoir acheter le lait nécessaire.

« Prions pour ce besoin » lui proposa-t-il.

Ils prièrent pour que le Seigneur fournisse l’argent nécessaire pour le lait des nourrissons. Au moment où George ouvrait la porte pour laisser partir l’infirmière, ils aperçurent une femme pauvre qui attendait dehors.

« Je n’ai pas beaucoup d’argent » s’excusa-t-elle « mais le Seigneur m’a montré que je devais vous l’apporter. » Elle posa dans la main de George Müller deux pence, la somme exacte qui leur manquait pour payer le lait.

Quelque temps plus tard, les enfants pensaient passer une journée tout à fait habituelle. Ce n’était pourtant pas le cas. Ils ne savaient pas qu’il n’y avait pas assez de nourriture pour le repas du soir. Le personnel le savait, et ils savaient aussi qu’il n’y n’avait pas assez d’argent pour acheter quoi que ce soit.

L’heure du souper approchait. Les enfants avaient faim et les employés priaient de tout leur cœur. Et Dieu répondit à leurs prières. Alors qu’ils s’asseyaient pour prier avant le repas, le boulanger sonna à la porte et demanda s’ils voulaient du pain ! Il en avait cuit plus que d’habitude et ne savait que faire du surplus ! Les enfants remercièrent Dieu et mangèrent leur repas, comme d’habitude. Durant toutes ces années, aucun des enfants n’a souffert de la faim.

 

« D’où prenez-vous l’argent pour rassasier cette immense foule d’enfants ? » demanda un jour un visiteur.

« Nous le recevons du Seigneur » répondit George Müller.

Le visiteur fronça les sourcils : « Que voulez-vous dire par là ? »

George se leva, s’approcha de la fenêtre et regarda dehors. Des centaines d’enfants jouaient. Chacun portait des habits propres et des chaussures de bonne qualité. Les filles étaient bien coiffées. Elles avaient des poupées et les garçons avaient un ballon pour jouer au football.

« Ce que je veux dire, c’est que le Seigneur s’occupe d’une manière miraculeuse de chaque centime. Nous ne recevons pas de subvention de l’État et nous n’avons jamais de dettes. Nous n’envoyons pas de demandes de soutien et nous ne nous reposons pas sur des fonds publics. »

Le visiteur observait très attentivement Monsieur Müller. Malgré ses quatre-vingts ans passés, il manifestait une joyeuse excitation, comme celle d’un jeune écolier.

« Nous faisons ainsi : Nous nous mettons à genoux et disons au Seigneur tout ce dont nous avons besoin. Il ne nous a encore jamais abandonnés. Nous recevons de la nourriture en cadeau et du tissu pour les habits des enfants. Certaines personnes viennent à la porte et nous donnent quelques centimes, d’autres des grandes sommes d’argent. Au cours des années, les orphelinats ont déjà reçu l’équivalent de plus d’un million de francs, en argent comptant ou en biens matériels. Et n’oubliez pas, nous n’avons jamais demandé d’argent à personne. »

« Monsieur Müller » s’exclama le visiteur, « c’est une histoire incroyable ! Puis-je encore vous poser une dernière question ? »

Le vieil homme sourit et acquiesça : « Bien sûr ! » 

« Qu’avez-vous appris avant de devenir pasteur ? Étiez-vous peut-être comptable ? Vous êtes assurément doué pour gérer l’argent. »

George Müller réfléchit à ce qu’il pouvait raconter à son interlocuteur et décida de lui dévoiler toute l’histoire.

« Mon père m’a enseigné la comptabilité avant l’âge de dix ans. Et en ce qui concerne mon don avec l’argent, avant que je sois chrétien, j’étais surtout un voleur très doué. »

 

Quelle leçon tirer ?

  • George se confiait en Dieu en toutes choses. Il savait que s’il remettait à Dieu ses soucis, Il s’occuperait de tout. Il avait une confiance absolue en Dieu et le Seigneur ne l’a jamais abandonné.
  • Avec sa femme, ils ont mis tout ce qu’ils avaient au service de Dieu, leur temps, leurs forces et toutes leurs capacités, sans parler des maigres moyens qu’ils possédaient. En voyant la misère des orphelins de cette époque, ils ont écouté l’appel de Dieu et se sont mis à l’œuvre sans attendre de posséder de grands biens.
  • Ils n’ont jamais demandé d’argent à personne, ils n’ont pas fait de dettes – et Dieu leur a donné ce dont ils avaient besoin à chaque instant. C’est ainsi que George Müller est devenu le père de plus de 2’000 orphelins !
  • Prends exemple sur George, qui remettait tout à Dieu dans la prière et Lui faisait entièrement confiance !